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4 juin 2018

FATI, les couleurs du Fouta: "AVEC LE WAX, TISSÉ EN HOLLANDE, D’INSPIRATION INDONESIENNE, AUX COULEURS LOCALES D’AFRIQUE… JE COUDS A LA RÉUNION UNE MODE METISSÉE CONTEMPORAINE"

Comment peux-tu décrire ton activité et ton parcours pour en arriver là?
Je fais de la création de vêtements artisanaux à partir d’un tissu africain, le Wax. J’ai démarré en 2O13, quand je suis arrivée à la Réunion et que j’ai découvert que le marché local ne correspondait pas à mon expérience d’attachée technico-commerciale dans l’agro-alimentaire. J’ai adoré être cadre commercial dans l’industrie, mais le système de vente n’était pas en adéquation avec mes valeurs. Je me suis alors dirigée vers l’immobilier, et l’idée a germé de créer une marque pour exprimer la créativité que j’avais en moi depuis toujours. J’ai toujours été manuelle: j’ai fait de la poterie, des vêtements de poupées africaines, que l’on fabriquait avec des petits tissus, de la terre, des bâtons recyclés… Je suis fan de matières: le tissu, j’adore! Et mettre tous mes centres d’intérêt ensemble a donné « les couleurs du Fouta », ma marque, clin d’oeil à ma région d’origine, le Fouta entre le Sénégal et la Mauritanie, et les couleurs en lien avec la matière, et avec mon peuple d’origine, les Toucouleurs.

Quels sont tes succès et satisfactions? Exercer ma créativité, Je prends du tissu que je ramène de Hollande, et j’adapte aux différentes morphologies, cette base de robe trapèze ultra classique: je mets un col V, un décolleté de dos, … J’ai développé une clientèle que je n’attendais pas forcément, les dames de 5O-6O ans, qui cherchent des formes classiques.
Quels sont tes contraintes et obstacles? le plus difficile c’est d’adapter mon offre a la demande en fonction de la distribution. Ma matière est un peu chère, vu que je me déplace en Hollande pour choisir du tissu haut de gamme. Si je vends en boutique, j’ai besoin de diminuer ma marge pour pouvoir vendre. La tarification pour moi est complexe:j’ai fait une formation de couturière il y a deux ans, je fais du sur-mesure, mais le prix que je facture est toujours en-deçà du coût réel. Je fais fabriquer les collections à Madagascar, dans un atelier qui travaille très bien et cela se paye; Le problème de l’artisanat, ce sont des contraintes de volume, et de distribution.
Quelle est la particularité de créer à la Réunion?  Le positif, c’est qu’il y a un réseau social qui permet de montrer notre travail sur les marchés, les Rencontres alternatives… Mais aussi, le marché étant très petit, la concurrence est rude. Il y a trop d’offre par rapport a la demande. On est aussi limité dans la création: les vestes en wax, par exemple, personne n’en porte ici, il n’y a pas de demande pour des vêtements très élégants. Comme il n’y a que deux saisons, ça n’ouvre pas trop de possibilité de diversifier notre offre.
Tes projets dans 5 ans? je veux être toujours être active dans la création de vêtements, mais m’ouvrir à d’autres matières, plus simples. Le marché de la wax commence a saturer. je suis déjà allée prospecter en Italie, j’ai des échantillons de toiles plus légères.
Et une autre motivation est de développer des partenariats de marques, au sens dans l’économie sociale et solidaire, comme le projet d’atelier chantier d’insertion, avec Samantha @Ca m’est égal et Lucile @Pazankor.
Comment ta créativité s’articule dans ta vie professionnelle, personnelle, familiale? J’ai une vie de famille épanouissante, qui pèse clairement plus que ma vie professionnelle en ce moment (mes filles sont petites). J’ai mon atelier à la maison, mon mari me soutient vraiment dans ma démarche, c’est même lui qui m’a orientée vers ce tissu.
Les amis, c’est très important: ils m’encouragent. Quand je crée de nouveaux prototypes, j’organise un thé ou un café partagé et leur fais essayer les modèles pour avoir leurs avis sincères sur ce qu’elles aiment.
La couture m’apporte un équilibre dans ma vie, quand ça ne va pas très bien, coudre m’apaise. Quand on est en accord avec le produit et ce qu’on aime faire, on est bien dans sa tête, bien dans son corps. On a le sentiment d’avoir accompli ce qu’on doit faire. Quand on a la chance d’avoir le soutien d’un mari qui comprend, c’est un équilibre moral (la satisfaction financière n’est pas encore atteinte) : c’est travailler en accord avec ses valeurs, alors qu’un travail salarié dans une grande entreprise apporte la stabilité financière, mais aussi et surtout et beaucoup de stress et de contraintes, de comptes à rendre.
Quel serait ton message ou une question aux autres femmes créatives du monde?
Je voudrais leur dire de continuer, à montrer par leur savoir-faire, ce qui leur fait plaisir. Les femmes qui défendent des causes, à l’exemple de Lucile et sa marque Pazankor, qui travaille avec les ateliers à Madagascar, méritent d’être émises en avant. Je les encourage à mettre en valeur ce côté brave de faire vivre des savoir-faire artisanaux de travailler la matière: aller chercher la terre, le tissu, le verre,… et les transformer, c’est magnifique, et moi je dis: Vive la créativité féminine dans le monde!!!
 
 
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La boutique-atelier-coworking: le Labo des Comètes – 42 avenue du Général de Gaulle – Les Avirons ou sur Facebook – tel: +262 262 22 11 82
Et bien-sûr, le 9 juin, à Labelle Flingueuse, à Montreuil avec les créatrices des îles, sur le Corner By-Women!