ArtDuLien-Points-Jaunes
5 avril 2017

Claire, RduTemps, designeuse, recycleuse


Créations en Diaporama
Page Web: www.rdutemps.fr/
Graphisme textile, création de vêtements, bijoux et accessoires, design d’objet, art de la récupération mais aussi communication, organisation d’événements, d’ateliers créatifs sur base de recyclage… Claire met ses nombreux savoir faire au service des projets les plus divers – elle est l’auteure de notre logo « by-women »!- de résidences d’artistes dans les musées ou en milieu scolaire, ou de partenariats avec des associations et alliances françaises, elle s’inspire de « l’air du temps » pour retranscrire ce qu’elle perçoit de la vie des lieux et des gens qui y vivent. Elle arrive avec ses instruments, mais utilise les matières trouvées sur place, pour imaginer et fabriquer des objets qui représentent les cultures, les histoires, les dynamiques des quartiers découverts, souvent en y associant les personnes concernées.
En Afrique du Sud, par exemple, un travail dans un township du Cap avec l’alliance française a abouti à un masque géant à partir des représentations des différentes ethnies.
A la Villa de la Région de Saint Denis de la Réunion, l’exposition « Origines » a présenté en octobre 2O16 des masques à base de matériaux de récupération s’inspirant des peuples d’origine de l’île (Afrique, Asie, Europe, Inde Musulmane, Inde Hindoue/ Tamoule, Zone Océan Indien).
Se concentrer sur le patrimoine, la culture, le territoire est un axe très actuel pour Claire, issu d’une recherche, avec cette idée qui la guide: « si tu veux préserver ton monde futur, il est important de regarder ce qu’il y a derrière. » Ainsi, les matériaux de récupération ont toujours été très présents dans son processus de création. Et les portraits de personnages illustres, les différents groupes sociaux présentés dans leur lieux d’origine sont le fil conducteur de ses projets d’aujourd’hui.
Cette recherche nécessite une interaction permanente avec son environnement et dans son environnement proche, il n’est jamais très loin: Julien, son compagnon de travail et dans la vie, ingénieur en bâtiment, donne à l’Rdutemps, l’approche plus technique, en prototypage, en gestion de projet. Ils réfléchissent ensemble à la conception des objets, chacun avec leur spécialité, et peuvent même être « interchangeables ». Ils répondent ensemble aux appels à projets pour des résidences d’artiste ou l’organisation d’évènements. Ensemble, ils gèrent aussi l’association qu’ils ont créée pour permettre une plus large diffusion des artistes et créateurs à la Réunion, Les Rencontres alternatives. Aujourd’hui installée au Guillaume, dans les Hauts de St Paul, l’association déploie des activités de sérigraphie, ateliers créatifs, menuiserie en de palettes, et même une AMAP, qui rejoint leurs préoccupations de création et donc de consommation responsables…
Claire répond à nos questions tout en préparant sa salade du jour, dans sa cuisine de St Paul surplombant l’océan: une polyvalence à toute épreuve!
Quel est ton parcours?
Je suis graphiste, mais j’ai aussi fait l’école des Beaux Arts (en graphisme et design produit), ce qui n’aboutit pas forcément un métier type, mais fait plutôt découvrir plein de techniques, comme le dessin, la litho, la photo,…) J’ai donc une double formation: avec le design d’objet, j’ai appris à faire utile.
J’ai commencé par être graphiste freelance sur Paris, j’ai répondu à des commandes dans l’évènementiel, les relations presses, la communication. Il y avait un gros potentiel pour de grosses entreprises en région parisienne. Et Julien a travaillé dans des projets de BTP, à grosses dimensions. Ce qui nous permet de mener des projets multifacettes.
Arrivés à la Réunion, on s’est servis de nos expériences pour créer nos propres communications et créations, que l’on a fait produire en parti à Maurice et dans nos ateliers de Saint Paul.
Puis nous avons travaillé à la diffusion, les expositions, en collectif, avec l’association des Rencontres Alternatives, car il n’y avait pas assez de lieux de diffusion de la création à la Réunion.
Ensuite on a répondu à des appels à projets, pour faire de la sensibilisation sur l’art de la récupération, pour travailler en équipe et étoffer le projet de l’association. Aujourd’hui nous travaillons à une forme d’exposition en plus grand format, sur le principe d’une galerie, comme une Art Fair en Afrique ou en Europe que nous aimerions faire, avec des animations, peut-être des débats, sur le métier d’artiste, des concerts… l’appel aux candidatures d’artistes est en ligne: Arts Aktuels du 16 au 24 juin au Port au D2
plus d’info http://www.les-rencontres-alternatives.com/2017/03/10/appel-a-candidature-rencontres-de-lart-aktuel/
Quelles sont tes Succès et satisfactions?
Ne pas être contrainte. Faire ce qui m’intéresse. Pouvoir mettre du sens dans mon travail. Après une période de recherche où je faisais des objets plus utilitaires, en design, mode, accessoires, aujourd’hui, je m’intéresse plus à des projets en lien avec la société qui m’entoure. Je reviendrai peut-être au design d’objet ou de mode : par étapes, je fais évoluer mon travail.
Quels sont tes Contraintes et obstacles ?
Ce sont nos capacités ! elles sont variables. Quand on est atypique, c’est un enjeu d’arriver à se faire apprécier et surtout d’en vivre.  En plus, sur un territoire insulaire, le public susceptible de s’intéresser à toi est assez peu nombreux. Tu dois toucher les gens directement, il n’y a pas de vrais lieux d’exposition.
Quelle est la particularité de créer à la Réunion ?
Ici, on peut aller en profondeur sur les richesses et les problématiques du territoire. Transmettre des choses, montrer aux gens les richesses de leur vie, de leur territoire, c’est le rôle de l’artiste. A de l’île. Oui, la Réunion, avec son histoire, son l’identité plurielle de par une grande diversité des origines, a une influence sur mon travail.
Une question qui se pose, c’est : Comment intéresser des publics qui sont sensibilisés et d’autres qui ne le sont pas ? Le défi est de toucher des cercles de personnes qui ne viennent pas spontanément vers moi, par exemple dans les quartiers populaires.
Le côté insulaire fait aussi qu’il y a moins de compétition, peu d’artistes font la même chose, alors qu’à Paris, j’étais toujours motivée pour innover.
Est-ce compatible avec ta vie personnelle, familiale ?
Oui, mais c’est vrai que ce n’est pas toujours facile de décrocher de son travail et qu’en plus quand c’est avec son conjoint, Il faut souvent expliquer à nos enfants que nous avons un travail atypique et Ils ont réellement un impact sur notre façon de créer. Leur regard, leurs interactions peuvent modifier ou inspirer nos travaux. Ils voient que l’on cherche, ils cherchent avec nous, à innover, à créer. On les fait voyager aussi !
On fait attention à dissocier l’atelier là-haut de notre maison en bas. Le week-end souvent on travaille, mais c’est quand-même une chance. On prend en compte leur avis et en retour, on essaie de les pousser, de les encourager, à tester, à récupérer, à valoriser des matériaux. Parfois on les emmène dans des quartiers différents de là où l’on vit, ce qui les fait découvrir d’autres réalités sociales. Et puis, on prépare avec nos ateliers jeunes publics : ils sont un peu nos cobayes !
Oui je pense que mon travail est en cohérence avec ma vie personnelle et familiale. Le fait de travailler en couple, ça aide, et d’habiter auprès de mes beaux-parents aussi !
Comment vois-tu tes projets dans 5 ans ?
Je ne sais pas… Pourtant généralement, j’ai du mal à avancer sans savoir où je vais. Ca me donne à réfléchir : je vais continuer dans ma voie. Le projet Rdutemps évolue bien. L’association Les Rencontres Alternatives, on travaille sur le lieu où l’on pourrait regrouper plusieurs artistes, autour d’une boutique, un café, un espace de production, … toujours vers plus d’innovation dans la création et le design. Nous sommes également associés à la réflexion avec d’autres entreprises sur l’organisation de la design Week avec NEXA.
As-tu un message pour les autres femmes créatives sans frontières ?
Qu’elles croient en leurs projets et qu’elles ne lâchent pas ! A un moment, ça marchera. Même si on est souvent remise en cause, il faut « viser la lune, pour atteindre les étoiles » !