Saveria Geronimi, est allée étoffer pendant 1O ans son inspiration, son expérience et ses contacts en Angleterre, pour revenir encore plus passionnée par son art: elle se lève chaque matin, heureuse de donner corps à un bijou qu’elle aura imaginé, dessiné. Mais la création, c’est laisser s’exprimer la matière, et Saveria s’émerveille de voir le métal prendre forme, et rappeler les formes de la nature qui lui est si chère. Relevant chaque demande des clients comme un défi, Saveria vit l’aventure de la création d’entreprise en totale équilibre avec ses valeurs, ancrée sur son île Corse, avec toujours un regard et un pied vers le continent et l’Angleterre, son autre île de coeur.
Comment peux-tu décrire ton activité?
Je fais de la création de bijoux avec des métaux précieux. l’activité principale, c’est du sur-mesure: créer des pièces uniques, adaptées la demande du client. Je réalise aussi des petites collections, en série, qui restent du fait-main: je peux travailler parfois avec des boutiques, toujours dans un esprit fait-main; je propose dans les salons. Je fais aussi des réparations, des transformations, cela marche bien: le but de sensibiliser à recycler leurs pièces de métal. Je les refaçonne, il n’y a que le prix du travail.
Ma marque, Germès Créateur bijoux: c’est le déclic des graines. Je l’ai créée en 2OO6. Je voulais garder un lien avec la nature. Ca m‘émerveille, quand je me promène dans mon village, j’observe les roches, les arbres. J’adore les écorces. J’ai une fascination pour les arbres, les détails d’une feuille, les veinures… la texture des arbres, les différentes variétés de plantes… J’en ai toujours autour de moi. Et mon logo représente la graine qui germe, le projet qui naît et évolue avec les gouttes, et le bijoux qui scintille.
Quel est ton parcours pour en arriver là ?
Depuis toute petite, j’ai vu mes parents très créatifs: ma mère créait ses vêtements, mon père inventait ou redonnait vie à de vieux meubles, mes frères et soeurs étaient artistes et musiciens: c’était très attrayant. Mes premières créations étaient des vêtements pour Barbies, et des sculptures avec la terre de mon jardin! J’ai fait des études complètement à côté, en biologie! mais c’est toujours resté en moi. Le tout premier déclic, c’est un voyage au Maroc: j’ai plongé mes mains dans les graines, et ce fut une révélation! (En attendant de toucher le métal…) J’ai commencé le travail de création avec plusieurs matières. J’ai travaillé pour des pièces de théâtre avec des créations en plumes et en graines, … ensuite, j’arrive à Londres à 24 ans, pour apprendre l’anglais, pouvoir travailler et monter mon entreprise. Je travaille donc dans la restauration, et je crée ma marque et monte mon entreprise en 2OO6, à Londres: j’avais 26 ans. Je fais des petits stages de soudure, et je me suis formée moi-même, et un stage de 2 mois de soudure… les bases du métal: et puis je me suis formée moi-même, j’ai eu mon atelier de création, commençais à vendre, continuais à m’expérimenter… je travaillais toujours dans la restauration. Et après ça s’est développé assez vite: j’ai eu des commandes, un contrat avec une boutique londonienne, « Kohsamui » à Covent Garden où plusieurs créateurs étaient réunis, et où certaines stars faisaient leur shopping!
Je continue, je me dis que j’ai ma place dans les boutiques: j’expose dans des galeries, sur Londres et en Ecosse; je commence à faire les salons. Il y a eu des rencontres extras, dans la photographie, dans le mannequinat pour les photoshoot: les collaborations, ca fait gagner du temps, … j’ai appris plusieurs métiers pour être autonome: la photo, la gestion de site internet…
Pendant 7 ans, j’ai travaillé dans un centre d’accueil et d’activités pour les sans-abris et d’aide aux personnes handicapées ou en difficultés sociales, Crisis Skylight, je donnais des cours de bijouterie, j’encadrais une classe et j’y avais un atelier. C’est une association qui propose 47 workshops, et j’ai créé la classe de bijoux, dans l’esprit de l’art-thérapie. Je voulais toujours garder le côté social, pour partager mon expérience, pour avoir une vie sociale. J’aime être autonome, je ne me vois plus trop travailler pour quelqu’un, mais travailler seule, c’est contraignant.
Et j’ai eu un enfant, j’ai eu envie de l’élever en Corse, la famille me manquait. J’ai réalisé, après dix ans passés à Londres, que ma vie ne serait plus très compatible avec la vie de famille, pour assumer tous les évènements, salons, ventes, parfois en soirée … Une fois mon activité bien implantée, je suis rentrée en gardant mes contacts, j’ai mis un an pour traduire mes textes du site. J’ai eu un atelier au sein de l’association SCOPA, je me suis relancée. Je me suis dit: pourquoi pas avoir mon atelier ici et pouvoir partir faire des expositions à l’extérieur. Ici j’ai l’environnement qui me convient.
La mentalité est complètement différente: à Londres, l’esprit de collaborations, d’associations, est très développé; mais j’ai découvert aussi une grande communauté de créatifs ici en Corse.
le retour a été difficile, j’avais le mal du pays de Londres, le manque d’inspiration, une remise en question totale, car ici on dépend du continent pour les matières premières. L’énergie, le fourmillement de Londres, la façon dont les gens s’habillent,… ici ça m’a paru très calme. Je n’étais plus vraiment chez moi, travailler chez moi ce n’était plus possible. J’ai été très bien accueillie à SCOPA, et de côtoyer différents artistes sur différentes matières m’a reboostée.
Puis j’ai créé un espace avec la maman d’une amie, un espace atelier – salle d’exposition, « Les Créateurs », où nous travaillions et accueillions d’autres créateurs pour des expositions. Et enfin en aout 2O17, j’ai ouvert mon atelier boutique au parc Berthaud: j’y crée et propose à la vente toutes mes collections et dernières créations.
Quelles sont tes satisfactions, tes succès ?
Mes satisfactions: Les collaborations! elles me permettent de rencontre des gens, d’échanger, dans la création, la photographie, notamment, ça permet d’avancer.
Les clients! je vois toujours comme un défi que l’on me demande une création, j’adore que l’on me fasse confiance. Ca me booste pour trouver des solutions, des inspirations qui vont les satisfaire.
Façonner quand le métal est en fusion! je fais quelques dessins, mais en laissant des courbes un peu brutes, ajoutant des finitions un peu plus soutenues, qui brillent.
Le succès, c’est mon expérience à Londres: collaborer pour la fashion week par exemple, dans des salons, dans des galeries, par exemple, ça me met en confiance.
Quels sont tes obstacles et contraintes:
Contraintes: en Corse, on est loin des fournisseurs: ça double le travail de recherche, par internet, on a besoin aussi de contacts pour s’exporter.
Obstacle: je n’ai pas assez d’heures dans une journée, la gestion du temps, devoir finir un devis quand je rentre à la maison.
J’effectue beaucoup de travail non payé: c’est une contrainte, mais devient une satisfaction, de retravailler pour moi, être passionnée, on ne peut pas s’empêcher de travailler, ce n’est jamais fini.
Mon cerveau ne s’arrête jamais, je suis en alerte, j’ai toujours mon calepin avec moi. Parfois j’ai envie d’être tranquille, mais je suis toujours en éveil. Quand je me lève, ce matin par exemple à 6h3O, je suis contente de travailler pour moi. J’ai hâte de sertir telle pièce.
Comment se concilie ta vie personnelle, familiale, avec le professionnel?
Le maître est l’Organisation pointilleuse: gestion du temps autour de mon enfant, si je vais la chercher à l’école, je vais prévoir du travail à la maison.
Je peux condenser deux semaines en une pour pouvoir prendre une semaine de vacances, pour prendre du temps pour ma vie de couple et familiale. Je n’ai pas de problème, je tiens ma maison, j’élève mon enfant, je fais mes courses…: mes journées ne s’arrêtent pas, ça s’enchaîne. J’anticipe, je sais très bien comment ma journée va se dérouler. Même pour prendre un café avec une copine, je le programme. Et quand j’ai un imprévu ça me met en retard sur tout.
Quelle est la particularité de créer en Corse?
Le bon côté, c’est l’environnement, l’inspiration, les textures, l’ambiance, l’hiver, l’été, ce qui t’aide à te sentir bien pour créer: être sur mon île.
Et comme j’ai maintenant mes contacts professionnels ici, et que je continue avec Londres, c’est assez équilibré. J’ai des commandes de boutiques, des projets d’expositions dans des galeries, des clients qui me connaissent: le réseau marche ici et sur Londres. Grâce au site internet je suis identifiée en français et en anglais: on me contacte pour des débouchés. J’expose encore dans une galerie à Londres Craft Central.
Ici beaucoup de gens sont sensibles à l’artisanat, mais il n’y a pas beaucoup de place pour l’art contemporain: j’ai plutôt des demandes classiques, ce qui m’amuse aussi, en proposant de nouvelles idées.
A Londres, mes modèles plus contemporains et originaux marchent beaucoup mieux.
Les pièces d’épaules par exemple: trouver une partie du corps et la sublimer, mettre en valeur l’épaule, la main; c’est ce qui m’a lancée dans les mariages, à Londres. En Corse, la tradition c’est de porter juste l’alliance, et pas d’autre bijou. Je suis donc toujours à l’écoute de la demande du client, mais je garde toujours ma signature, dans les courbes irrégulières, les textures, le grain: c’est ce qui fait vraiment mon style. Ca reste des techniques basiques, mais j’ai réalisé des bijoux par erreur, le métal s’est rétracté au cours de longues heures, pour essayer et t’amener. Un bijou peut être fait en une heure trente, mais la conception, la recherche, la pratique sont difficilement quantifiables.
Quels sont tes projets à 5 ans?
Je pense que j’aurai besoin d’aide: Soit une collaboration dans la vente, le commercial, gestion internet, Facebook (message et photos…) pour pouvoir me libérer un peu de temps pour la création. J’ai aussi plein de projets de pièces, de salons… Je suis bien dans mon atelier, mais je prendrais une stagiaire vente, commerce, pour pouvoir être un peu plus soutenue et rester à ma place d’artisan bijoutière. Je ne suis pas créatrice: la créatrice assemble des pièces, l’artisan travaille la matière, selon des réglementations. Dès que tu détiens des métaux précieux, il faut tout déclarer, le poinçon de maître etc… Une petite école de business pendant un an, pour me mettre en règle dans la bijouterie: détenir des pièces précieuses. Je ne stocke pas de matières précieuses, c’est sur commande. J’ai une assurance, et on n’a pas le droit de travailler chez soi. Donc m’entourer pour pouvoir me concentrer sur le coeur de mon activité d’artisan bijoutier.
Quel message ou question aurais-tu pour les autres femmes créatives?
On peut vite se décourager, si tu veux que ta vie soit agréable et faire que ta passion devienne ton métier, il faut faire des concessions; pendant 1O ans, à travailler à côté, je n’ai presque pas eu de congés, je travaille toujours comme intervenante en anglais; c’est le prix d’un métier passion, du temps en famille que tu n’as pas eu, louper un peu de ta jeunesse, quand à 25 ans, tu te mets à ton compte et que tu ne sors pas le soir avec les amis car tu fais le marché le lendemain. Il faut être déterminée, ne pas lâcher, c’est compliqué, de faire ton boulot bien, en étant perfectionniste. Tout le monde l’a en soit! Il suffit de se dire: C’est possible!
Pour en savoir plus sur Saveria Geronimi, Germes Créateur Bijoux, et son environnement:
Atelier- Boutique : 26 Cours Lucien Bonaparte.20000 Ajaccio
http://www.germescreateurbijoux.com/
https://www.craftcentral.org.uk
https://www.crisis.org.uk/get-help/london/
https://www.facebook.com/Scopa.ajaccio/